Au printemps 2022, Arnaud posait les bases d’un projet qui germait depuis un moment dans son esprit : et si L’Autre Thé faisait pousser son propre thé, à sa façon… en France ? Nos 2000 premiers théiers ont été plantés en mai dernier, mais pour...
thés biologiques & d'excellence
JAPON: SUR LES TERRES DU MATCHA - 1/3
PREMIÈRE ÉTAPE : Kagoshima
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Je suis toujours heureux de retourner au Japon. C’est un pays qui me fascine et me surprend à chaque fois : tout y est contraste et sujet d’émerveillement perpétuel à mes yeux de voyageur occidental. Cette fois-ci, le but de mon séjour est de rendre visite à des producteurs de matcha - vous l’aurez peut-être deviné en lisant le premier article de ce blog ! Ce thé en poudre d’un vert vif est tellement particulier et emblématique du lien fort entre la tradition du thé et le Japon d’aujourd’hui que j’ai décidé de prendre le temps de vous faire partager ce qui fait sa singularité et le rend si prisé dans l’archipel.
Dans ce premier article, qui inaugure une petite série sur le thème si riche du matcha à travers les différentes étapes de mon voyage, je pose mes valises à Kagoshima sur l’île de Kyūshū.
Carte du Japon : Kagoshima
Wikimedia Commons @Maximilian Dörrbecker – CC BY-SA 3.0
Le matcha : thé du corps et de l’esprit depuis près de 1000 ans
Moine servant du matcha (on voit le fouet en bambou « chasen » dans sa main droite) Illustration tirée de Shichiju-ichiban shokunin utaawase, période Muromachi (XIVe-XVIe siècle).
À l’origine importé de Chine, le matcha est d’abord utilisé comme médicament et comme fortifiant. Ses propriétés tonifiantes le rendent rapidement populaire chez les moines en parallèle de l’essor de la pratique du bouddhisme zen au Japon (fin du XIIe siècle). Les moines le boivent pour rester éveillés et concentrés lors de leurs longues séances de méditation. Ces propriétés sont d’ailleurs tout à fait attestées : essayez un bon matcha pour faire le plein d’énergie le matin ou pour aborder une journée qui s’annonce intense ou stressante et vous pourrez le constater par vous-mêmes.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’usage de thé en poudre battu est bien plus ancien que la technique de l’infusion que l’on connaît majoritairement aujourd’hui. Au Japon, on trouve des traces de ce mode de préparation typique du matcha dès l’époque Kamakura (1185-1333), alors que la dégustation du thé infusé attendra l’ère Edo (1603-1869) pour s’installer véritablement dans les pratiques quotidiennes des Japonais.
Cette manière bien particulière de déguster le matcha, vieille donc de presque neuf siècles, s’est codifiée dans le Chanoyu, la cérémonie du thé, qui a traversé les époques et est toujours pratiquée de nos jours
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Aujourd’hui, le matcha est immensément populaire et absolument partout au Japon : dans les mochi, les soba, les glaces, les latte ou même les Kit Kat ! On s’en sert pour parfumer tout et… n’importe quoi, avec plus ou moins de succès !
Kit-Kat au matcha © Raimond Spekking / CC BY-SA 4.0
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Mais au fait, qu’est ce que le matcha ?
La poudre de matcha est en fait produite à partir du tencha, un thé qui n’est quasiment jamais consommé en tant que tel. Les feuilles de tencha sont réduites en poudre pour devenir du matcha. C’est LE thé de la cérémonie du thé, mais il présente aussi la particularité d’être un ingrédient de choix en cuisine ; vous avez peut-être déjà d’ailleurs goûté le légendaire muffin au matcha et au chocolat blanc dans notre salon de thé du XIe!
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Poudre de matcha © Evanhoever - Wikimedia commons - CC BY-SA 4.0
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Kagoshima, principale zone de production de thés biologiques au Japon
J’ai choisi de me rendre d’abord sur l’ïle de Kyūshū car les producteurs de la baie de Kagoshima sont en pointe sur la culture biologique, qui m’intéresse particulièrement, vous le savez, pour la sélection de mes thés. Même si Kyōto est reconnue comme le berceau du matcha, la région de Kagoshima propose des sols riches, un ensoleillement parfait dans un environnement montagneux, tout à fait propice à la culture du tencha.
Celle-ci demande d’ailleurs un savoir-faire particulier, puisqu’il convient d’abriter les théiers du soleil lors des dernières semaines avant la récolte des feuilles et bourgeons. On voit d’ailleurs bien ici les traditionnels stores de paille (dits
« honzu »), dont on se sert pour protéger les théiers, afin de forcer la plante à puiser dans les nutriments du sol et à produire les acides aminés qui donneront au matcha toute sa douceur et son umami.
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Les théiers ombragés par les honzu - © L'Autre Thé
L’aspect des plantations que je visite lors de mes voyages varie beaucoup selon les pays et les habitudes des différentes régions. Au Japon, l’extrême précision est ce qui me frappe le plus : les jardins sont plantés et taillés au millimètre, donnant des paysages parfaitement linéaires qu’on ne trouve que rarement ailleurs.
Quand je visite une plantation de thé, j’observe toujours la terre au pied des théiers : si l’herbe et diverses plantes y poussent, c’est toujours un bon signe quant à l’absence de traitements agressifs et au respect de la terre comme des plantes. Prendre le temps de mâcher une feuille de thé est également un bon moyen de commencer à appréhender une récolte, surtout lorsqu’il s’agit d’un futur matcha, le seul thé dont on consomme vraiment toute la plante (puisqu’elle n’est pas infusée mais broyée).
Cultiver un bon tencha
Pour qu’un tencha ait toutes les chances de donner un bon matcha, quelques règles doivent être respectées lors de sa culture :
- il faut au moins trois semaines d’ombrage avant récolte
- ne tailler les arbustes qu’une fois par an après récolte et donc ne récolter qu’une seule fois par an.
Une fois les feuilles ramassées, on stoppe le processus d’oxydation (comme pour tout thé vert) en les chauffant à la vapeur pendant 20 secondes. Reste à refroidir et sécher les feuilles, puis à les débarrasser de toute leur humidité dans un four à tencha. Enfin, le thé est étuvé et séché sans malaxage : on ne roule pas ses feuilles, qui vont commencer ainsi à s’émietter d’elles-mêmes.
Profiter du voyage
Après avoir arpenté ces jardins en long et en large, j’avais envie de découvrir un peu plus la ville de Kagoshima : direction le onsen (les bains publics dans les sources chaudes) avec vue sur le volcan Sakurajima (un volcan toujours en activité ! ) pour un moment d’intense détente. C’est l’une des choses que j’aime particulièrement au Japon : la vie y est à la fois très organisée, régie par la technologie et la précision, mais ménage en même temps de vrais espaces de calme et de connexion avec la nature. Toujours ce choc des extrêmes qui fait le charme du pays !
Évidemment un voyage au Japon n’est pas complet sans une expérience gastronomique… J’ai (courageusement) testé la spécialité de la ville de Kagoshima : les sashimi de poulet, fines tranches de poulet cru servies avec du gingembre râpé et de la sauce soja… Pas la meilleure expérience culinaire de ma vie (ceci est un euphémisme ! ), mais je suis content de l’avoir tentée.
Prochaines étapes de mon voyage : Kyōto et Uji, la capitale du thé matcha au Japon. Au programme : plus de détail sur la fabrication du matcha en lui-même, maintenant que vous savez tout sur le tencha, mais aussi quelques bonnes adresses !
Repas à Kagoshima avec vue sur le volcan Sakurajima © L'Autre Thé
En attendant, n’hésitez pas à me dire en commentaire vos remarques ou questions sur le matcha ou ce que vous inspire cet article, j’espère vraiment que ces premiers pas sur le blog vous ont plu !
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À très bientôt pour la suite de mes aventures japonaises !
PS : et pour apprendre à préparer le matcha, retrouvez mon tutoriel en vidéo ici !
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